Jérôme Sage | Publié le 13 janv. 2014
La disgrâce de la Princesse ouzbek
Visée par des enquêtes en France et en Suisse pour corruption et blanchiment, Gulnara Karimova, la fille du président ouzbek, est suspectée d’avoir empoché des sommes colossales. La vidéo, filmée par des dissidents ouzbeks en exil, en dit long sur les libertés prises par Googoosha, comme son père la surnommait enfant, avec les trésors de son pays. Elle dévoile l’intérieur d’une villa cossue de Cologny, sur les bords du lac Léman, l’un des faubourgs chics de Genève, où ces militants de l’association Uzdem Fund Suisse se sont introduits par effraction fin décembre. Celle de Gulnara Karimova, 41 ans, fille aînée du président Islam Karimov, au pouvoir en Ouzbékistan depuis 1989.
Les images montrent des tableaux, des œuvres d’art, des bijoux en or et en argent mais aussi un Coran du XVIIIe siècle incrusté de pierres précieuses… Autant de richesses qui, selon ces opposants au régime relayés par le journal suisse « le Matin Dimanche », seraient issues des collections du musée national de Tachkent, la capitale de cette ex-république soviétique. La luxueuse résidence qui, mis à part ces trésors, semble abandonnée, avait été achetée par Gulnara Karimova quelque 15 M€ en janvier 2009. Avant que des accusations de détournement de fonds, de corruption et de blanchiment ne viennent assombrir l’image de cette femme affairiste, désormais en disgrâce.
Des demeures de luxe qui intéressent les enquêteurs
Celle que son pays surnommait la Princesse est dans le collimateur des justices suisse et française. Les magistrats helvétiques enquêtent depuis 2012 sur des faits présumés de corruption et blanchiment. Ils se sont intéressés de près aux biens de cette femme à la fortune en apparence illimitée.
Saisie d’une demande d’entraide judiciaire, la France a, à son tour, lancé des investigations. Une instruction a ainsi été ouverte à Paris pour blanchiment en février 2013 afin de déterminer les conditions d’acquisition d’un appartement parisien de 800 m2 dans le XVIe arrondissement, négocié en septembre 2009 30 M€. Une somme plus que généreuse, même pour un bien immobilier de cette qualité. Deux autres propriétés en France intriguent les juges suisses : une villa à Gassin, dans le Var, et un château à Montfort-l’Amaury, dans les Yvelines.
Les premiers soupçons de corruption sont nés en 2007 de cette question : l’opérateur de téléphonie suédois Teliasonera a-t-il versé 320 M$ (environ 235 M€) à Gulnara Karimova pour pouvoir agir sur le marché ouzbek?
Surnommée la « baronne du vol »
Pour l’ancienne représentante permanente de son pays aux Nations unies à Genève, les ennuis ne se bornent peut-être pas à ces enquêtes financières. Pressentie longtemps pour prendre la succession de son père à la tête du pays, elle pourrait être visée par des règlements de comptes. Selon « le Matin Dimanche », elle serait actuellement en Ouzbékistan, aux mains des services secrets du pays, en résidence surveillée.
Chanteuse à ses heures sous le nom de scène de Googoosha (entre autres dans un duo avec Gérard Depardieu), créatrice de bijoux, amatrice de mode, diplômée de l’université Harvard et revendiquant de nombreuses activités caritatives, Gulnara Karimova a la réputation d’une redoutable femme d’affaires, avec des intérêts dans le gaz, le coton, les médias. Mais aussi celle d’une délinquante de grande envergure. Cette mère de deux enfants aurait ainsi extorqué des centaines de millions de dollars à des entreprises de son pays. Des sommes ensuite blanchies en Europe via des montages financiers, des achats somptuaires.
Dans un câble de diplomates américains révélés par WikiLeaks, Gulnara était décrite comme une « baronne du vol », et le personnage « le plus haï du pays ». Une voracité qui semble aujourd’hui se retourner contre elle.
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